I. Descendre dans l’abîme

 6. Soyez les bienvelus.

« Eh bien, t’en as mis du temps… Allez, on entre. »

Bastion empoigne son talkie-walkie et lui murmure quelques mots. Aussitôt, une chorale de sirènes explose à l’opposé du bâtiment. L’effet est immédiat, la foule se redirige, les drones migrent et les caméras pivotent comme des têtes d’animaux.

Bastion saisit Sandrane par le col et la tire à l’intérieur. Dans l’obscurité.

A peine dedans, ça frappe. Sept corps suspendus à un mètre du sol. Sandrane étouffe, ses sinus brûlés par l’odeur de viande en putréfaction. Une odeur dense et acide.

Bastion lui tend sa lampe à LED blanche grande focale. Elle éclaire le sol, ses bottes trempent dans une marre de sang figé.

« Alors on y est, Canis horribilis… »

« Regarde au plafond, regarde avec quoi elles sont pendues. »

« Putain… Avec leurs propres boyaux. »

Sandrane accuse le coup mais elle se fait violence pour ne pas penser au blog. Pas d’influence, pas de biais, elle doit analyser sans fantasmer. Le plafond culmine à huit mètres de haut. Une barre métallique traversante. Les victimes, exclusivement féminines, semblent avoir 20 à 50 ans et peser 45 à 65 kilos. Leurs intestins sont enroulés à la barre. Autopsie. La décomposition n’est pas homogène. A gauche lividité cadavérique, à droite et dislocation des phalanges et des membres. Détail notable : aucun ventre ouvert. Alors quoi ? Extraction par orifice naturel ?

Sandrane consigne tout dans son hippocampe. Elle demande à avancer.

Bastion lui reprend la lampe. Ils contournent les corps, tête basse et épaules rentrées. L’angoisse absurde qu’un mort vous agrippe au passage.

L’architecture du bâtiment est discordante. Les jonctions et les épaisseurs des murs peuvent potentiellement cacher des couloirs parallèles et des demi-étages. Vingt mètres plus loin, une pièce hémisphérique qui s’ouvre sur trois corridors en étoile. Et l’attraction suivante.

Quatre cages de trois mètres carrés chacune, Des cadavres de chiens morts empilés, déchiquetés, déshydratés. A droite des cages, une mallette semble appeler Sandrane. Elle s’approche, opère des gestes lents et précis, une démineuse. Bingo. Une pornographie de liasses de billets. Ses yeux s’illuminent et son sourire s’étire. Mais une seconde de trop. Bastion la blanchit de sa LED. L’ombre dans ses yeux est tranchante de jugement.

Sandrane lui rend un sourire doux et enfantin.

Elle referme la mallette avec soin.

Rien ne presse.

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