I. Descendre dans l’abîme

3. Départ.

Elle doute. Son intuition lui dit qu’un élément est dissonant. Les médias mainstream, ces vautours qui planent sur les drames n’hésitent jamais à faire des analogies abusives avec des fils de Protéine Cosmique. Ils vivent en grattant dans toutes les audiences. Des vraies putes-à-clicks.

Elle rappelle Bastion, une boule au creux du bide.

« Ça y est ? T’as refait surface Bob Marley ? »

« J’ai décidé de t’aider. Parce que t’as une plaque et moi j’ai des intuitions. Dis m’en plus cher Bastion, la fiction est devenue réalité ou quoi… !? »

« Peut-être, j’en sais rien Sandrane, putain je sais pas. C’est le plus grand bordel du monde ! Mais grouille-toi parce que je vais être dépossédé de l’affaire. » Il marque un silence étranglé qu’elle ne lui connaît pas. « Pour l’instant, on a personne sur le dos. Sûrement parce que tout le monde est dépassé. En fait personne veut foutre un pied là-bas dedans. Même pas moi pour te dire… »

Sandrane se fige. D’ordinaire quand Bastion est à la recherche d’un indice, il est capable de fouiller d’une main gantée un cadavre tout en mâchonnant un sandwich de l’autre.

De nouveau il raccroche sèchement.

Le mobile de Sandrane glisse au ralenti entre ses doigts. Il vient percuter le sol. Elle est troublée. Son cerveau rationnel refuse de valider l’impensable mais Bastion, il est mille fois validé. Le temps que ses synapses tissent un compromis acceptable, son corps bouge au ralenti et ses yeux écarquillés voient sans vraiment regarder. Elle s’habille, évite de passer devant un miroir et puis, au moment où elle saisit son sac à dos, son chat se dresse d’un coup sur ses pattes. C’est clair: ils sortent.

Sandrane arrache son skate électrique du chargeur et lance une batterie de secours dans son sac à dos qui contient son matériel d’enquêtrice aux multiples gadgets illégaux. Un sac cousu main qui comporte la loge sur mesure pour son chat car oui, Sandrane enquête toujours avec Pixel.

Lorsque la porte s’ouvre sur le monde extérieur elle remarque que rien n’a changé. Le monde s’est très bien passé d’elle. Il se fout d’ailleurs de toutes les ombres qui ne font que passer et qui ne laissent aucune trace après leur mort.

Son skate au sol touche le sol, un modèle bricolé par un pote électronicien et chimiste à temps perdu. Une arme pensée et conçue pour la fuite urbaine. Elle propulse la chair humaine à plus de 150km/h et se nourrit exclusivement d’électrons arrachés à des batteries hautement instables. Le dernier pack qui explosé en une gerbe de flammes multicolores a failli envoyer Sandrane à la morgue en trois valises. Depuis et sauf en dernier recours, elle évite de pousser son lévrier enragé dans ses ultimes retranchements.

Destination GPS : « la colline du refuge ». Ce monticule artificiel se situe à la jonction entre la bordure marine et la périphérie de la ville. Le refuge était à l’origine un complexe militaire top secret. Si secret que même les militaires de l’armée régulière n’avaient aucune idée de sa fonction précise. Il a ensuite été déclassé et la mairie s’est empressées d’y fourrer tous les animaux errants sous la pression du lobby amis des animaux. À cette époque la mairie menait un programme d’incinération industrielle. Les coûts de fonctionnement ont pourtant fini par avoir raison de cette œuvre de charité qui a ensuite été cédée pour un franc symbolique à une association de bénévoles. La gestion s’est poursuivie tant bien que mal jusqu’à la faillite. Jusqu’au plein-le-cul de bosser gratuitement pour des clébards. Au dernier jour, le gérant a simplement ouvert les cages et s’est volatilisé. Les animaux sont naturellement revenus là où ils avaient été ramassés, mais bien plus nombreux.

Le refuge n’est qu’à quelques minutes de skate par l’autoroute. Mais comme après des mois de canapé les réflexes de Sandranes sont émoussés, elle décide de se contenter d’un petit 100km/h histoire de reprendre ses repères, de retrouver ses appuis. Et son sourire carnassier lorsqu’elle ride en confiance.

« Après tout elles sont déjà mortes non ? »

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